CURIEUSEMENT SUR LE JOURNAL PAPIER DE NOMBREUX POINTS ONT ETE OCCULTES ..... je vous met la vraie itw de l'excellent journaliste du télégramme RIVIER !
Nommé le 9 septembre à la présidence d’En Avant Guingamp, Fred Legrand (52 ans) s’est montré, depuis, très discret dans les médias. En exclusivité, il nous a accordé sa première grande interview.
Vous n’avez pratiquement pas pris la parole depuis votre prise de fonction. Sentiez-vous de l’attente autour de vos premiers mots ? Je dirais déjà que ce n’est pas parce qu’on ne parle pas, qu’on ne travaille pas. Depuis deux mois maintenant, on a beaucoup travaillé. J’ai essayé de réajuster certaines choses, de donner de nouvelles orientations, une nouvelle impulsion. Évidemment que la première image d’un club professionnel, c’est son équipe première. Cette équipe, aujourd’hui, montre deux visages. Celui contre Sochaux (0-0) me met un peu en colère. On peut toujours perdre un match, ne pas être bon techniquement ou tactiquement, mais on ne peut pas regretter de ne pas avoir mis l’enthousiasme nécessaire. Et puis, il y a le visage que l’équipe a montré face à Clermont (0-0). Là, on a senti que tous les joueurs étaient concernés. Ils ont bien mouillé le maillot et il s’en est fallu de peu que l’on ramène les trois points. C’est cet En Avant que l’on veut voir. On a tous besoin - dirigeants, supporters, partenaires…- d’être content des joueurs sur ce plan-là. Le b.a.-ba de Guingamp, ça a toujours été de voir des gagneurs sur le terrain.
J’ai, autour de moi et à tous les niveaux du club, des équipes en qui j’ai pleinement confiance. Était-ce une surprise, le 9 septembre, quand le conseil d’administration vous a élu à la tête du club ? Ce n’était pas prévu. Je n’en rêvais pas, je n’y étais donc pas préparé. À mon poste de vice-président, j’étais en charge de la partie économique et je ne m’immisçais surtout pas dans la politique sportive même si Bertrand (Desplat) pouvait, de temps en temps, me consulter. Le seul domaine sportif qui m’incombait depuis deux ans et demi, c’était la section féminine. J’ai d’ailleurs beaucoup appris auprès des filles.
Qu’avez-vous appris, justement, auprès de cette section féminine ?
J’ai découvert le management, la relation avec un entraîneur (Frédéric Biancalani) et avec des joueuses. Cela m’a permis d’aborder un peu mieux cette période difficile, avec la crise sanitaire que l’on sait, un mercato repoussé au 5 octobre etc. L’avantage, c’est que je connais bien le club. Ce n’est pas de tout repos, la pression n’est pas la même quand on porte l’habit de président, mais je me suis senti très soutenu par tous les membres du conseil d’administration. J’ai aussi, autour de moi et à tous les niveaux du club, des équipes en qui j’ai pleinement confiance.
Vous êtes arrivé à l’âge de 16 ans au club. Vous considérez-vous comme un enfant d’En Avant ?
Oui, ce club fait partie de ma vie. À 16 ans, je suis devenu le speaker du club. C’était en D2, avec Raymond Kéruzoré, lors de la saison 1984-1985. Je m’en souviens parfaitement : j’avais été reçu un lundi par Bernard (Cartier, l’ancien directeur commercial, NDLR). Le samedi, il y avait match et je prenais le micro. C’était beau.
Quels dirigeants vous ont le plus marqué au cours de ces années ?
Évidemment, en numéro un, il y a Noël Le Graët. J’aime son côté visionnaire. Le fait qu’il soit toujours positif, aussi, même quand ça ne va pas. C’est une manière de dire qu’il y a toujours une solution. Parmi les choses que je retiens de lui, je dirais aussi la fidélité.
En quoi vous inspire-t-il aujourd’hui ?
J’ai appris de lui qu’il fallait toujours avoir le recul nécessaire, ne pas prendre des décisions hâtives, essayer de réfléchir.
On a la chance d’appartenir à une entreprise dont le rôle est de donner du plaisir aux gens. Il faut remettre l’humain au cœur de notre projet. Ces dernières années, le club a-t-il perdu un peu de son âme ? Quand on connaît la Ligue 1, parfois, on oublie certaines choses. Et je m’inclus là-dedans. La « vraie vie », c’est quand on retombe à l’échelon inférieur, en l’occurrence en Ligue 2. Vous êtes alors obligé de revenir à l’essentiel. Aujourd’hui, l’objectif, c’est de travailler plus dur encore, de retrouver notre esprit de gagneur à chaque instant et à tous les niveaux, qu’il s’agisse des joueurs ou des salariés du club. Travailler dur mais dans un bon esprit. On a la chance d’appartenir à une entreprise dont le rôle est de donner du plaisir aux gens. Il faut remettre l’humain au cœur de notre projet.
Vous sentez-vous très différent de votre prédécesseur, Bertrand Desplat ?
Chacun est comme il est. Bertrand est Bertrand, moi je suis moi. J’ai beaucoup de respect pour lui. Je n’oublie pas ce qu’il a fait, il a marqué une page de l’histoire d’En Avant, avec ces six années de Ligue 1 et la Ligue Europa. Maintenant, j’essaie de faire les choses telles que je le ressens.
Au moment de votre nomination, avez-vous essayé de convaincre Jocelyn Gourvennec ?
Quand on est élu président et qu’on ne s’y attend pas, ce n’est pas toujours facile de prendre des décisions à l’instant T. J’ai rencontré Jocelyn (Gourvennec) parce que c’est quelqu’un que je connais bien, que j’apprécie et dont on sait les qualités. Quelqu’un qui aime le club, aussi. Je pense qu’En Avant de Guingamp a une place particulière dans son cœur. Jocelyn avait une forte envie, il l’a dit, de retrouver le terrain. Mais on avait un coach (Mecha Bazdarevic) qui venait de prendre ses fonctions huit jours avant. Et avec le conseil d’administration, cela ne nous semblait pas être le bon moment pour en changer.
À l’époque, il se disait que vous-même et les membres du CA manquiez d’éléments sur l’état des finances. Un audit a-t-il été fait ? Non, il n’y a pas eu d’audit particulier. En Avant de Guingamp avait des finances saines en Ligue 1. Lorsqu’on descend en Ligue 2, évidemment, les ressources ne sont pas les mêmes. Et la grande nouveauté dans le football, contrairement à il y a quinze ans, c’est que les transferts font partie intégrante du budget. Lorsque vous arrivez à vendre des joueurs, tout va bien. Lorsque vous avez moins de joueurs susceptibles d’être transférés, il faut être très vigilant. Aujourd’hui, il y a sûrement, et je l’espère, des joueurs en devenir à Guingamp. Mais je n’ai pas eu beaucoup d’appels de clubs avant le 5 octobre pour me demander s’ils pouvaient acquérir tel ou tel joueur. Une descente, ce n’est pas facile à digérer. Une deuxième saison en Ligue 2 encore moins.
Faites-vous partie des dirigeants qui s’inquiètent du non-paiement des droits télé par Mediapro ?
Celui qui n’est pas inquiet n’est pas normal (à Guingamp, ces droits TV oscillent entre 5 et 6 M€ sur un budget global d’environ 15 M€, NDLR). Tous les présidents de clubs espèrent évidemment que l’issue sera positive. Mais la suite, je ne la connais pas. Cela incite à la prudence, d’autant plus que l’on vit une période un peu particulière quand même, avec ces matchs à huis clos, sans public, sans prestations, sans rentrées d’argent. Si les choses se poursuivent encore, on pourrait perdre un million d’euros. Ce sont plein d’incertitudes, c’est aussi un peu de stress.
Fred Legrand ( nouveau président de Guingamp )
Fred Legrand ne s’était plus exprimé publiquement depuis un passage en conférence de presse après la défaite contre Le Havre (1-3), le 12 septembre, tout de suite après sa nomination à la présidence d’En Avant. (Photo Nicolas Créach) Quel est le projet sportif d’En Avant malgré ces incertitudes ?
Une descente en Ligue 2 est un coup de semonce. L’idée, c’est de redonner une vraie dynamique. Elle passe bien sûr par des victoires. Mais il faut se donner des objectifs raisonnables. Avec le coach, le staff et les joueurs, on ne tire pas de plans sur la comète. Le début de championnat a été plus difficile que prévu. Je ne vais pas dire qu’on avance au match par match mais presque. Là, on reçoit Ajaccio (le lundi 23 novembre). Eh bien, essayons de confirmer la prestation plutôt correcte à Clermont en prenant les trois points ! Après, on va à Rodez et peut-être qu’on débutera une série. La première ambition, c’est de remonter parmi ces cinq fameuses premières places. Mais restons réalistes, humbles et motivés.
Vos prédécesseurs avaient clairement affiché l’objectif de la montée…
Aujourd’hui, il faut se fixer des objectifs lucides. On peut le faire, on peut encore le faire (sourire). À nous tous de nous en donner les moyens.
Mecha Bazdarevic incarne-t-il l’avenir d’En Avant ? Je ne le connaissais pas. Humainement, c’est quelqu’un que j’aime bien. Il a l’âme d’un gagneur. Il essaie tous les jours d’inculquer l’enthousiasme et la motivation à ses joueurs. À ce niveau, on est complètement sur la même longueur d’onde. C’est un coach qui connaît bien la Ligue 2 et même la Ligue 1, et qui a l’envie que Guingamp retrouve rapidement les premières places de ce championnat.
Je souhaite qu’il y ait une nouvelle dynamique, une nouvelle implication de l’ensemble des éducateurs. Ils ne doivent pas s’arrêter à leurs catégories. Comment travaillez-vous au quotidien avec l’ensemble du secteur sportif ?
J’ai une vision assez claire des choses. Dans un club, il y a un secteur hyper important, c’est la cellule de recrutement. On a déjà fait quelques réunions importantes où l’on s’est donné des objectifs très précis. Il n’y a pas de responsable mais trois personnes qui doivent former une équipe soudée : Marco Rivoallan, Jean-Marc Bertoche et Stéphane Carnot. Ils scrutent le territoire national et certains pays étrangers. À leurs côtés, j’ai choisi des « ambassadeurs » pour les aider. On n’a pas cherché très loin, on a regardé les joueurs qui ont marqué l’histoire du club et qui ont la fibre En Avant : Eduardo au Brésil, Marek Jozwiak en Pologne, Georghe Mihali en Roumanie, Hafid Tasfaout dans le Maghreb, évidemment Mouss Diallo en Afrique, mais lui était déjà dans la boucle… Cela ne veut pas dire que dès demain, des joueurs qu’ils nous auront conseillés vont arriver mais on veut faire des choses simples avec des gens de confiance.
Qu’en est-il également de l’aspect formation ?
Là aussi, les choses sont assez arrêtées. Je souhaite qu’il y ait une nouvelle dynamique, une nouvelle implication de l’ensemble des éducateurs. Ils ne doivent pas s’arrêter à leurs catégories, savoir donner un coup de main au camarade. Avec Jean-Paul Briand (le président de la section amateur), on leur a demandé à tous de rester dans leurs championnats nationaux. Pour autant, on félicitera plus facilement quelqu’un qui aura réussi à maintenir son équipe à la 8e ou 9e place mais qui aura fait passer deux ou trois joueurs à l’étage au-dessus, plutôt qu’un entraîneur champion de son groupe mais qui ne sera pas allé jusqu’au bout de son rôle de formateur. Le but de l’Akademi, c’est de faire passer des joueurs professionnels. On a besoin d’une vraie stratégie. Avec la possibilité d’en prêter avant de les intégrer. Car si on les inclut, il faut qu’ils aient leur chance.
Aurez-vous le souci de recruter localement ?
J’y suis très attentif. C’est important que certains joueurs incarnent En Avant. Je ne trahirai aucun secret en vous disant que Christophe Kerbrat a marqué de son empreinte l’histoire du club. J’ai dit à Jérémy (Livolant) quand on a prolongé son contrat (jusqu’en 2024) qu’il devait être, en termes d’image, le nouveau Kerbrat. Il est à Guingamp depuis l’âge de 10 ans, il est breton. Si demain, on en a un, deux ou trois de plus, cela permettra aux gens de s’identifier encore davantage.
J’ai rencontré les membres du Kop Rouge huit jours après ma prise de fonction. On est sur la même longueur d’onde. On se connaît bien. J’en ai connu certains il y a vingt ou vingt-cinq ans. Ils n’ont pas changé. Comme moi, ils ont seulement pris quelques années (sourire). Sentez-vous une certaine impatience de la part des supporters ?
J’ai rencontré les membres du Kop Rouge huit jours après ma prise de fonction. On est sur la même longueur d’onde. On se connaît bien. J’en ai connu certains il y a vingt ou vingt-cinq ans. Ils n’ont pas changé. Comme moi, ils ont seulement pris quelques années (sourire). On a tout pour s’entendre. Simplement, il ne faut pas se voiler la face, on a tous besoin d’une équipe qui se bat et qui gagne.
Qu’en est-il de Xavier Gravelaine qui avait été nommé Directeur du football par Bertrand Desplat ? J’ai annoncé dès le premier ou le deuxième jour que son aventure était terminée avec En Avant de Guingamp. La séparation est actée. La procédure administrative est terminée. Il reste à finaliser son licenciement. C’est une question de quelques semaines quand son préavis aura pris fin.
Êtes-vous à la recherche d’un nouveau directeur sportif pour le remplacer ?
Je n’y suis pas opposé, j’y travaille. Mais il s’agira de trouver la bonne personne. Je ne veux pas me précipiter. En Avant a vécu quarante ans sans directeur sportif, ça ne l’a pas empêché de vivre de très belles aventures. Depuis deux mois, cela ne nous a pas empêché de prolonger Jérémy Livolant, de faire passer professionnel Tristan Muyumba et de se faire prêter Gaëtan Robail. La cellule de recrutement doit travailler doublement. En s’attachant à regarder, non seulement la valeur du joueur, mais aussi, et impérativement, son état d’esprit.
Avez-vous l’envie de vous inscrire dans la durée à la tête d’En Avant ?
J’ai, en tout cas, la ferme intention d’essayer de bien faire les choses, avec tout une équipe autour de moi. Il y a des choses que je sais bien faire, d’autres un peu moins. Depuis deux mois, j’essaie de bien m’entourer. Je sens que les gens ont envie de bien faire et de s’investir. Président, ce n’est pas un poste facile, cela implique des remises en cause perpétuelles. Mais c’est mon club, c’est ma vie, ma deuxième famille. Ce qui me donne la force, ce sont aussi tous ces messages de sympathie que d’anciens joueurs nous ont adressés. Il y a un vrai attachement à ce club. On doit regarder devant, être optimiste, faire des choses simples, ne pas se précipiter mais aussi se donner de vraies ambitions.
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