Interview de Garibian dans les cahiers du foot en 2014:
Votre prise de fonction s'est déroulée dans un contexte assez critique pour les dirigeants de l'arbitrage. Quelles ont été vos priorités?
Ce que m'a demandé le président Noël Le Graët, dans le cadre de la réforme de l'arbitrage, qui a été adoptée à une large majorité lors de l'assemblée fédérale, c'est d'abord de pacifier, puisqu'il y avait des luttes de personnes, des luttes de clans qui s'étaient installées au fil des années. C'est ce à quoi je me suis attelé immédiatement, sur une ligne très simple: arrêtons de nous entredéchirer. Ayant toujours évité, par conviction, de me laisser entraîner dans ce genre de luttes, je crois que je bénéficiais de cette image de garçon assez intègre et indépendant. Parallèlement, nous avons mis en chantier des évolutions dans l'évaluation, la notation, le classement des arbitres.
Donc l'objectif prioritaire, c'est cette pacification et cette restauration de l'image de l'institution?
Ce qui compte aujourd'hui, c'est de redorer l'image, en général, de l'arbitre et de l'arbitrage. Il y a beaucoup de chantiers, mais la première des choses, c'était effectivement de pacifier l'arbitrage, et faire en sorte de mieux faire savoir qui sont les arbitres. L'arbitrage est souvent attaqué dans les médias. Je suis convaincu que les arbitres doivent s'exprimer et expliquer, de manière ordonnée et organisée.
Justement, le premier effet tangible de votre nomination semble avoir été l'autorisation, pour les arbitres, de communiquer à nouveau...
La priorité, c'est d'abord la communication entre les acteurs. La première chose que j'ai demandée aux arbitres, c'est d'avoir un esprit ouvert, qu'on leur reprochait, souvent à tort, quelques fois à raison, de ne pas avoir. Le climat pouvait être par moments délétère, incitant le groupe et sa direction à se renfermer. C'était un vrai cercle vicieux. Le respect, la protection de l'autorité de l'arbitre doivent être présents, omniprésents, c'est un socle incontournable. Mais les arbitres doivent aussi comprendre que, par moments, après le match, très rapidement, un coach, un capitaine voire un président ont le droit d'avoir une explication. Il ne s'agit pas de tomber dans la justification, mais simplement d'expliquer techniquement ce qui s'est passé. Après, cela n'empêchera pas la frustration en cas d'erreur.
Mais avez-vous donné des consignes pour que les arbitres reviennent vers les médias? Sont-ils formés pour s'exprimer devant les caméras?
Effectivement, et Noël Le Graët m'a soutenu dans cette démarche, j'ai demandé aux arbitres d'être plus ouverts vis-à-vis des médias. Il est hors de question qu'un arbitre ou que le DTA répondent à des déclarations qui, au final, ne feraient qu'alimenter une polémique. En revanche, donner de l'information factuelle sur une erreur, la reconnaître, cela participe à une meilleure image et à une humanisation de l'arbitre. Un arbitre qui prend une mauvaise décision, non seulement cela lui coûte pour son classement, mais au-delà, c'est comme un joueur qui manque un penalty important. Côté formation, nous avons organisé une journée media training pour, dans un certain nombre de situations, exercer les arbitres à parler face à la caméra. Parce que la communication, cela peut aussi être dangereux.
Vous parlez d'une démarche éducative pour expliquer comment les décisions sont prises. On constate souvent une méconnaissance des règles au sein des médias, notamment avec l'exemple des mains, du dernier défenseur, et de bien des idées fausses...
J'ai reçu des journalistes récemment, et nous avons abordé différents thèmes, par exemple pour rappeler qu'une main n'était pas une faute en soi, qu'elle n'était sanctionnable par la loi 12 qu'à partir du moment où elle était intentionnelle, complètement intentionnelle. Nous avons participé à l'émission Les Spécialistes, aussi avec la volonté d'expliquer. Pour les mains, il y a des outils d'aide à la décision, simples: est-ce que c'est le ballon qui va à la main, ou la main qui va au ballon? Est-ce que le ballon, s'il n'avait pas été touché par la main, aurait été arrêté par une autre partie du corps, ou le joueur cherche-t-il à augmenter la surface corporelle? Quelle est la distance entre le départ du ballon et le contact?
Même si parfois, il est très difficile de trancher ? Et c'est pour ça qu'il y a une ligne de conduite dans l'arbitrage: dans le doute, on s'abstient. Une main, notamment dans la surface, ce n'est pas anodin.
La théorie et la pratique. Sur la main c'est marrant au départ il que ça doit être intentionnelle, mais ensuite il pose d'autres questions qui ouvre à d'autres choses.
Et puis dans le doute tu t'abstiens, ouai mais bon si tu doutes tout le temps, tu t'abstiens tout le temps?
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